Il y a quelque chose de magique en arrivant sur les coteaux de l’appellation Jasnières, cette impression évidente que l’on est là face à un grand terroir ! Entouré par des plaines de champs de blé et de forêt, le coteau couvert de vigne émerge d’un coup, avec sa superbe exposition Sud, surplombant le Loir. Toute petite appellation (80 hectares cultivés seulement) mais peut-être l’un des plus haut-lieu du Chenin qui soit !
Rendez-vous avait été pris avec Bernard de Mianville qui, avec sa femme Christine, gère ce tout petit domaine de 1 hectare seulement ! Il faut dire qu’à côté, Bernard est oenologue-consultant et Christine enseignante en viticulture. La vigne, c’est donc un plus, un passe-temps.
C’est d’ailleurs ce point qui fait que Bernard a le sourire aujourd’hui : la récolte 2019 a été amputée à 80% au minimum suite aux gels du printemps. Encore qu’en se baladant dans les vignes, Bernard découvre de manière régulière qu’il semble y avoir un poil plus de départs de grappe qu’escompté. L’année reste noire malgré tout.
Les trois parcelles du Domaine sont travaillées en bio (effectif depuis 2005, certifié en 2018), avec labour à l’âne et travail manuel (Bernard est d’ailleurs tout fourbu d’avoir labouré toute la matinée !). En plus des traditionnels soufre et cuivre, Bernard et Christine utilisent la phytothérapie.
Chaque parcelle est vendangée individuellement à la main, en plusieurs passages afin d’assurer des maturités optimales, et est vendangée séparément. Cela donne ainsi trois cuvées : l’Authentique, sur un sol mélangeant calcaires et silex et issu de jeunes vignes plantées en 2009, Chant de Vigne, issu de vieilles vignes sur sols d’argiles à silex et enfin Côtières, issu de vieilles vignes sur sol calcaire.
Chaque cuvée a sa propre identité et révèle des nuances de terroir très nettes.
Du caillou en folie ! 
En haut des Côtières 
Les vinifications et élevages se font de manière traditionnelle, en barriques ou en demi-muids, sans intrant, à part une dose faible (20 à 40 mg/L) de soufre à la mise ou pendant l’élevage, en fonction des besoins. Le but est d’avoir des vins nets et purs qui retranscrivent bien leur terroir. Bernard l’admet volontiers : certaines années comme 2011, il pourrait sans doute se passer totalement de soufre, mais il préfère ne pas tenter le diable et s’assurer des vins sans la moindre déviance.
Le Domaine utilise des barriques neuves (une à deux par ans) qu’il continue d’utiliser jusqu’à épuisement (en général une dizaine d’années). Nous avons goûté pas mal de vins sur barriques, ce qui a permis de constater une grande variété dans les fermentations.
Bernard souligne que de manière générale, il va chercher à assembler des maturités différentes de raisin afin d’apporter un équilibre au vin. En 2018, ce sont ainsi trois passages qui ont été faits pour Chant de Vigne, avec des maturités potentielles allant de 11,4% à 14,5% ! Les différences sont bien sûr flagrantes entre les différentes cuvées, mais chacune est déjà très bonne individuellement, et on sent vraiment ce qui pourra être apporté au vin finale par cet assemblage.
De plus en plus, changement climatique oblige, il devient nécessaire d’être très attentif à ces maturités, Bernard et Christine n’aimant pas franchement les chenins trop mûrs sur leurs terroirs de Jasnières.
Cette question du changement climatique et des bouleversement est d’ailleurs une préoccupation constante pour Bernard avec qui nous avons par exemple eu une grande discussion sur la disparition très claire des insectes dans ses parcelles depuis 2011 alors même qu’il travaille en bio et qu’il est entouré de forêts. Le millésime 2019 et son coup de gel ne semble faire que confirmer cette constatation d’un climat de plus en plus incompréhensible.
Les vins du Domaine font partie de nos préférés sur Jasnières à la cave : toujours secs, assez droits, ils peuvent se révéler d’une certaine austérité dans leur jeunesse mais révèlent une grande profondeur et une minéralité impressionnante avec un peu de garde. Si vous ne connaissez pas encore l’appellation Jasnières ou le Domaine de Mianville, foncez, vous ne serez pas déçus !