C’est une première en Bretagne et c’est un plaisir d’avoir été leur rendre visite : le Domaine Les Longues Vignes, à Saint-Jouan des Guérets, sur les coteaux de la Rance, prépare son premier millésime pour 2022 !
Les Longues Vignes, c’est le projet d’Edouard Cazals, néo-vigneron (forcément !), accompagné de Pauline sa compagne et de David, caviste. Ils ont eu l’idée un peu folle en 2019 de planter 2 ha de vignes sur un coteau plein Sud surplombant l’estuaire de la Rance, à deux pas de Saint-Malo !
Un peu d’histoire : la vigne a quasiment disparu de Bretagne à la suite de la crise du phylloxéra, fin XIXe siècle. Plus de réel domaine et une idée bien ancrée que le terroir breton n’était pas franchement adapté à la culture de la vigne. A vrai dire, jusqu’en 2015, planter de la vigne pour un usage professionnel était totalement interdit dans la région et les rares parcelles cultivées était le fait de particuliers ou d’associations.Mais, fin 2015, révolution dans le Landerneau viticole français : harmonisation européenne oblige, il y a libéralisation des droits de plantation. Concrètement, cela veut dire qu’il est désormais possible de planter de la vigne n’importe où, y compris dans les régions jusqu’ici considérées comme impropres à cette culture…
Edouard Cazals travaille donc le projet, fait des études climatiques en partenariat avec l’Université Rennes 2 et l’INRA, réfléchit aux cépages, trouve une parcelle en bord de Rance et, en 2019, le premier pas est franchi : 2ha de chardonnay, de pinot-noir et de grolleau sont plantés ! Des cépages précoces, pour assurer le coup. L’objectif : produire des vins effervescents, en méthode traditionnelle (à la champenoise donc). Pourquoi ce choix de vins effervescents ? Par goût, évidemment ! Mais surtout, les maturités à atteindre pour le raisin sont plus faibles et il est donc potentiellement plus facile d’obtenir un bon vin sur ces terroirs au potentiel encore inconnu. 1ères vendanges : septembre 2022 ! Mais attention : si le potentiel qualitatif est là, l’équipe ne s’interdit pas de songer à des blancs et rouges tranquilles…2 autres hectares, juste en dessous de la première parcelle, seront également plantés le 1er avril 2022 (soit d’ici deux semaines), portant le Domaine à 4ha. Mais aucune volonté d’agrandir plus : l’objectif est avant tout qualitatif.
Edouard ne vient pas de nul part : titulaire d’un BTS viti-oeno, il a travaillé pendant plusieurs années chez Mitjaville, à Bordeaux, vinifiant notamment le célèbre Tertre Roteboeuf ! Il a donc une vision précise et sérieuse de la viticulture et c’est un véritable projet global qui se met en place. Viticulture bio, tout d’abord. Sur ce beau terroir, pas question de faire de l’industrie lourde. La percelle était déjà travaillée en bio depuis plusieurs année et jouit d’une belle biodiversité. Celle-vi sera renforcée par la continuation de l’agriculture bio, version phytothérapie tant que possible. Mais également par la volonté de replanter des haies, de reboiser un espace déjà cultivé en polyculture. Ainsi, un verger de vieilles variétés de pommiers, de poiriers et de cognassiers vient d’être planté juste à côté des vignes ! L’idée est également d’avoir une approche paysagère, en alternant le sens de plantation des rangs afin de créer de la diversité et d’éviter les couloirs de vent. Une approche globale plus que louable !
Le terroir sur ce coin ? Il est assez complexe : un sol très argileux, allant de 50cm à 1m50 de profondeur au dessus d’une dalle granitique primaire. Mais également des cailloux de schistes et de grès, quelques quartzites : un joyeux méli-mélo en exposition plein sud qui, si on en croit les études climatiques, jouit d’un potentiel d’ensoleillement et de température meilleur que bien des coins où est aujourd’hui traditionnellement cultivée la vigne. Le reflet du soleil sur la Rance aide énormément et, en été, la température peut vite monter ! Nous étions le 18 mars par beau temps et, déjà, ça tapait !
A la cave, l’objectif est de laisser parler le raisin : levures indigènes, oeufs bétons, quelques cuves inox, des barriques, mais pour des cuvées spécifiques. Bref, on verra ce que donnera la parcelle, mais pas question d’avoir une approche trop techno-oenologique, ce qui rassure pour le moins !L’approche commerciale est tout ce qu’il y a de plus rassurante également : David m’explique que le réseau visé est celui des cavistes pointus et des restaurants avec une belle carte. pas question de vendre en boutiques de souvenir un vin “made in bzh” ! Le terroir se trouve en Bretagne, c’est plus un état de fait qu’une identité qui sera mise en avant en gros sur les bouteilles. De même, David m’explique qu’il n’y a pour le moment aucune envie de jouer du tourisme dans la région pour vendre et se faire connaître : pas de visites particulières au Domaine, peu de communication médiatique. L’objectif est d’avoir du temps pour travailler de manière paysanne !
Bref, un très beau projet, plein de belles idées et plein d’avenir. Tout est à créer et les surprises seront aussi nombreuses que les incertitudes qui règnent encore. Mais c’est là tout le sel d’une telle aventure qui démarre sous les meilleurs auspices. Edouard le dit avec confiance : “pour le moment, 2022 commence exactement comme 2018. Même début de saison. Les nuages de sable du Sahara qui nous arrivent vers la même période… Si 2022 est comme 2018 dans le coin, on aura pas à se soucier de maladies et de maturité !”
A suivre donc !